71 Ofres de couverure, noms de code et « chefs de file » Afin de ne pas éveiller les soupçons des enseignes, des ores de couverture étaient déposées par les participants à l’entente sur les références pour lesquelles il avait été convenu qu’ils ne devaient pas remporter l’appel d’ores. Ainsi, un SMS du 30 mai 2013, adressé par une des entreprises DES SANCTIONS RÉDUITES à son concurrent, l’informait au sujet d’un appel d’ores en LIÉES AUX TROIS DEMANDES cours, que « c’est une consultation pipo et on répond 10/15 % DE CLÉMENCE au-dessus des prix habituels ». Par ailleurs, les documents de travail utilisés en interne se rapportant aux échanges entre les trois entreprises comportaient L’Autorité a prononcé un montant total de des mentions destinées à « maquiller au mieux la terminologie sanction de 24,5 millions d’euros qui tient utilisée pour éviter tout risque de découverte des pratiques ». compte, notamment, des demandes de clé- À titre d’exemple, les termes « Daunat O » et « Daunat S » mence. Pour avoir porté à la connaissance désignaient, respectivement, les sociétés LTA et Roland Monterrat, en référence, selon Daunat, à la localisation du siège de l’Autorité l’existence de l’entente et avoir de ces sociétés, situé à l’ouest et au sud du siège de Daunat. coopéré tout au long de la procédure, la Un « chef de file » était aussi nommé pour chaque client afin société Roland Monterrat a été exonérée de mieux organiser les échanges, entre les membres de sanction. de l’entente. En outre, à la suite des réunions téléphoniques, Les sociétés LTA et Daunat, deuxième et des tableaux de suivi permettant de regrouper les cotations troisième demandeuses de clémence, se prises pour chacun des concurrents, et chacune des références sont, quant à elles, vu octroyer respective- des diérents appels d’ores, étaient souvent élaborés. ment des réductions de sanction de 35 % et 30 % compte tenu de la valeur ajoutée des éléments qu’elles ont apportés et qui ont permis d’établir l’existence de certains échanges. Daunat a, par ailleurs, bénéficié du dispositif dit de « clémence plus », qui distribution et, dans une moindre mesure, L’entente, secrète et relativement sophisti- consiste à accorder une exonération sup- des stations-service. Les entreprises s’ap- quée, a été d’une remarquable stabilité sur plémentaire à un demandeur de second pelaient ensuite pour en discuter et, le cas la durée. Elle s’est poursuivie de façon inin- rang, si celui-ci fournit des preuves incon- échéant, réajustaient leurs ores avant de terrompue pendant près de 6 ans (soit entre testables permettant d’établir des élé- répondre aux enseignes. À titre d’illustration, septembre 2010 et septembre 2016), sans ments de fait supplémentaires ayant une un courrier électronique, envoyé le 17 sep- qu’aucun participant n’ait dévié ou tenté de incidence directe sur la détermination du tembre 2012 par l’une des trois entreprises dévier de l’accord. L’adhésion aux pratiques montant des sanctions pécuniaires. Cette à ses deux concurrents, comporte la men- a été telle qu’aucune mesure de représailles entreprise a, en outre, bénéficié d’une tion suivante : « N’étant pas en place sur ces n’a été nécessaire. réduction supplémentaire de sanction d’en- marchés, faites nous part de vos remarques viron 5 millions d’euros, liée à la prise en si vous jugez nos propositions tropfaibles ». compte de ses dicultés financières. Au-delà des échanges portant sur l’attribu- REDOUTABLE EFFICACITÉ DE tion des appels d’ores, les sociétés Roland LA PROCÉDURE DE CLÉMENCE Décision 21-D-09 du 24 mars 2021 Monterrat, LTA et Daunat ont également évo- qué à plusieurs reprises les négociations Nouvelle preuve que le danger vient sou- menées avec les enseignes de grandes vent de l’intérieur... les pratiques ont été surfaces alimentaires concernant l’évolu- révélées grâce à la procédure de clémence, tion des tarifs dans le cadre des marchés qui permet aux entreprises ayant participé en cours d’exécution. à une entente d’en dévoiler l’existence à l’Autorité et d’obtenir, sous certaines condi- tions, le bénéfice d’une exonération totale CONFORMITÉ UNE PRATIQUE QUI ou partielle de sanction pécuniaire. En DES ENTREPRISES A RÉDUIT LA CONCURRENCE l’espèce, la société Roland Monterrat a, la DURANT PRÈS DE 6 ANS première, sollicité le bénéfice de la clé- La clémence est une mence et a pu échapper à toute sanction, démarche à privilégier pour sorir d’une entente Ces pratiques sont par nature très graves. bénéficiant d’une immunité. Les deux autres En se répartissant les marchés et en s’en- entreprises, LTA et Daunat, ont également Face à des méthodes de dissimulation décidé, après avoir fait l’objet de la part de plus en plus sophistiquées tendant sur les prix, les trois principaux fabri- (réunions secrètes, utilisation de cants de sandwichs industriels sous MDD, des services d’instruction de l’Autorité, noms de code, de messages cryptés qui représentent près de 90 % du marché d’opérations de visite et saisie réalisées ou encore de téléphones dédiés (soit la quasi-totalité des ventes de sand- dans leurs locaux, de solliciter le bénéfice à l’entente, conservation des wichs sous MDD), ont fait obstacle au libre de la clémence. Elles ont bénéficié de réduc- documents compromettants jeu de la concurrence. Ils ont pu ainsi élever tions de sanction, proportionnées à l’utilité au domicile personnel…), leurs prix sans craindre la riposte de leurs des pièces et informations apportées à la clémence est un instrument de détection ecace des ententes. concurrents. l’instruction. Les entreprises bénéficient Elle constitue un puissant facteur ainsi de cette démarche constructive, tandis de déstabilisation des cartels dans que l’Autorité dispose, dans le même temps, la mesure où elle introduit une d’une contribution à ses investigations. très forte incitation à venir se « repentir » auprès de l’Autorité. En contrepartie, les entreprises peuvent, sous conditions, se voir octroyer le bénéfice d’une exonération totale ou partielle Découvrir de sanction pécuniaire. l’aaire en images R ACTIVER LA TRANSFORMATION E N C L AI