,MILLIARD D’EUROSDE SANCTION PRONONCÉECONTRE APPLE ET LES GROSSISTESTECHDATA ET INGRAM MICRO 57 Ces revendeurs sont (à la différence des contractuelles et mis en œuvre un ensem- par Apple, qui jouit d’une taille et d’une puis- magasins possédés par Apple comme les ble de comportements qui n’ont laissé sance économique majeures. Apple Store) des acteurs économiques auto- aucune marge de manœuvre aux APR. Par ailleurs, Apple est intervenue de façon nomes et doivent par conséquent pouvoir extrêmement précise et détaillée dans la déterminer librement leur politique com- L’abus de dépendance détermination de la politique commerciale merciale (choix des produits et des quanti- économique : une pratique de ses grossistes. Ces allocations sont inter- tés commandés, choix du fournisseur, prix pariculièrement grave venues sur de longues durées, en concer- pratiqués, promotions, etc.). Les revendeurs premium (pour la plupart nant, par exemple, le lancement de chacune des PME) se trouvaient dans une situation des versions de l’iPad. Ces pratiques ont Une réparition de produits et de dépendance économique par rapport aecté non seulement les détaillants, dont de clientèle auprès des grossistes à Apple, qui en a abusé. Cette situation, les sources d’approvisionnement auprès des Apple procédait à des répartitions impéra- rarement observée dans la pratique déci- grossistes sont limitées, mais également, tives de produits et de clientèles auprès de sionnelle du Conseil, puis de l’Autorité de la à travers eux, les clients finals, alors même ses deux grossistes, Tech Data et Ingram concurrence, résulte d’un enchevêtrement que ces derniers sont particulièrement atta- Micro, et leur indiquait précisément les quan- de multiples clauses contractuelles et de chés à la marque Apple. En eet, il ressort tités exactes des diérents produits devant pratiques. des éléments du dossier que la société Apple être livrées à chaque revendeur. est une des entreprises de high-tech ayant Par conséquent, les grossistes ne déter- Dicultés d’approvisionnement, traitements les consommateurs les plus fidèles. minaient plus librement leur politique com- discriminatoires, instabilité des conditions merciale, mettant en œuvre les mécanismes de rémunération de leur activité (remises et La réduction de la capacité concurrentielle d’allocation élaborés et pilotés par Apple. encours)... De nombreux éléments au dos- de distributeurs, mise en œuvre par un sier montrent que les distributeurs concer- fabricant qui les maintient en situation de Ce dispositif a abouti à fausser la nés ont été maintenus dans une situation dépendance économique, est également concur rence sur le marché de gros : d’extrême dépendance quant à la réception particulièrement grave, car cette situation • supprimant toute concurrence entre des produits, notamment les plus demandés de dépendance confère au fabricant une res- les deux grossistes ; (nouveaux produits), alors que leurs marges ponsabilité particulière vis-à-vis de ses par- • supprimant la concurrence entre les étaient extrêmement réduites. tenaires dépendants dans le cadre de leur grossistes et le propre réseau de distri- relation commerciale, d’autant que le four- bution d’Apple (certains revendeurs se L’Autorité a ainsi constaté que, lors du nisseur dispose, en l’espèce, d’une puis- fournissant directement auprès de lui) ; lancement de nouveaux produits, les APR sance économique sans commune mesure • limitant la concurrence entre les se sont trouvés privés de stocks, de sorte avec celle de ses distributeurs APR. détaillants finaux, puisqu’ils ne pou- qu’ils n’ont pu répondre aux commandes vaient pas véritablement faire jouer la qui leur étaient faites, tandis que le réseau En outre, la particulière gravité des pra- concurrence qui aurait dû exister, en des Apple Stores et des retailers (grands tiques ressort de leur degré de mise en amont, entre les grossistes. distributeurs généralistes ou spécialisés) œuvre et de sophistication. D’une part, était régulièrement approvisionné. Il en a elles s’inscrivaient dans un contexte plus résulté pour eux une perte de clients, y général de contrôle étroit par Apple de son Des prix de vente imposés compris les clients habituels. Ils ont même réseau de distribution, tant au niveau de aux revendeurs premium parfois été contraints, pour répondre à la distribution en gros qu’à celui de la dis- L’Autorité a également sanctionné Apple une commande, de s’approvisionner eux- tribution au détail. D’autre part, Apple avait pour avoir fortement incité les revendeurs mêmes auprès des autres canaux de dis- la mainmise sur tous les paramètres de APR à pratiquer les mêmes prix que ceux tribution, en commandant par exemple l’activité des revendeurs premium, ne leur pra tiqués dans les Apple Stores. Outre la directement auprès d’un Apple Store, com- laissant qu’une autonomie commerciale communication des prix, le contrôle des me l’aurait fait un client final. très limitée. L’indépendance économique promotions et la sur veillance des prix pra- était restreinte dans des proportions très tiqués, les éléments au dossier montrent Ces pratiques ont abouti à l’affaiblis- rarement atteintes au sein d’un réseau de qu’Apple a élaboré un écheveau de clauses sement, et dans certains cas, à l’évic- distribution. tion de certains d’entre eux, comme Cette pratique a abouti à un parfait ali- eBizcuss. Décision 20-D-04 du 16 mars 2020 gnement des prix de vente aux consom- Cette décision fait l’objet d’un recours mateurs finals, pour ce qui concerne (aaire pendante). près de la moitié du marché de détail des produits Apple (hors iPhone). En DES PRATIQUES D’UNE effet, en restreignant la liberté tari- PARTICULIÈRE GRAVITÉ faire des APR, Apple a été en mesure de limiter non seulement la concur- Les pratiques en cause sont graves, à plu- rence qui peut s’exercer entre les APR sieurs titres, et ont eu une incidence éco- eux-mêmes, mais également la concur- nomique de par l’ampleur des infractions. rence entre ces derniers et son propre Elles ont eu une couverture géographique Découvrir le regard porté réseau de magasins. nationale et ont été mises en place par des sur ce dossier par Virginie Beaumeunier, acteurs de taille internationale, notamment directrice générale de la DGCCRF ACTIVER LA TRANSFORMATION