Présidente de l’Autorité
de la concurrence
La pandémie du virus Covid-19 que nous venons de traverser a profondément bouleversé le fonctionnement de tous les secteurs de notre économie et, au-delà, de notre société. L’État a dû faire montre de toute sa réactivité et apporter des réponses rapides et à la mesure de cette situation inédite. L’Autorité s’est pleinement inscrite dans cette démarche. Je tiens à saluer à cette occasion la mobilisation forte de l’ensemble des équipes de l’Autorité pendant cette période particulière.
Dans cette période de crise, les entreprises devaient garantir la desserte de magasins, en produits alimentaires notamment, maintenir les chaînes logistiques et assurer l’approvisionnement du pays en équipements de protection sanitaire. Il était important à cette occasion de rappeler à la fois les possibilités offertes par le droit de la concurrence, qui peut admettre certaines coordinations entre entreprises mais aussi les limites à ne pas franchir. Pour éclairer les entreprises qui devaient répondre à des défis importants, il fallait des réponses coordonnées des autorités de concurrence.
En outre, l’Autorité a répondu, en quelques jours, aux demandes d’éclaircissement des entreprises et organismes professionnels. Une nouvelle ère s’ouvre à présent et nous demeurerons vigilants quant à l’impact qu’aura la crise à plus long terme sur la structuration des marchés. Le paysage des concentrations d’entreprises va être durablement modifié, et nous verrons sans doute des mouvements de restructuration dans les secteurs les plus affectés par la crise. Les politiques d’acquisition consolidantes, de la part des grandes plateformes notamment, qui ont été beaucoup moins impactées par la crise, nécessitent plus que jamais un contrôle attentif et renforcé. Le contrôle des concentrations est l’une des clés pour faire en sorte que la concurrence reste dynamique, notamment dans les secteurs innovants. Ce nouveau contexte pourrait à cet égard justifier de compléter le cadre national et européen, pour s’assurer que les acquisitions de la part des entreprises dominantes ou structurantes ne se fassent pas sans un droit de regard du régulateur.
En second lieu, l’Autorité a réussi à faire en sorte que le droit de la concurrence soit aujourd’hui un facteur majeur dans la définition de la stratégie des entreprises. Celles-ci ont désormais pleinement conscience du fait qu’elles doivent impérativement mettre en œuvre une démarche de prévention de l’infraction de concurrence, pour éviter les sanctions et le dommage réputationnel.
Elles savent aussi utiliser les outils du droit de la concurrence quand elles sont victimes de pratiques abusives, et n’hésitent pas à nous saisir dans ce cas. Plus globalement, la politique de conformité s’est beaucoup développée ces dernières années, les responsables conformité et directeurs juridiques sont très formés et sensibilisés aux questions de concurrence.
L’Autorité a également engagé un travail de pédagogie auprès des PME et publiera prochainement un guide et des vidéos qui ont pour objectif d’expliquer les règles de façon simple et concrète. Par ailleurs, nous avons la chance d’avoir, en France, des juridictions qui connaissent très bien ces contentieux. Ceci participe de la construction d’une « culture de concurrence » efficace.
Pour que la régulation concurrentielle soit pleinement efficace et pertinente, elle doit s’adapter aux évolutions de l’économie en permanence. L’Autorité a ainsi à coeur de moderniser ses méthodes, ses analyses et ses outils pour répondre aux problématiques nouvelles. Focus sur une action résolue pour relever les défis de demain et préserver un espace de liberté pour chacun.
Pour répondre aux nouveaux défis auxquels elles sont confrontées et être à la hauteur des enjeux de l’économie mondialisée, les autorités de concurrence travaillent en étroite coopération. Ce dialogue permanent au sein de plusieurs forums et cercles favorise une convergence des approches et des outils.
Très investie depuis toujours dans cette coopération européenne et internationale, l’autorité française y joue un rôle de premier plan et soutient activement les autorités qui font leurs premiers pas.