Économiste et Professeur au Massachusetts Institute of Technology (MIT), a été récompensé par le Prix Nobel d’Économie 2024.
Selon certaines études, bien que l’impact de l’IA générative soit incertain et conditionné aux avancées technologiques, cette innovation seule pourrait augmenter la productivité du travail aux états-unis de presque 1,5 point de pourcentage par an sur une période de 10 ans après une adoption généralisée. Que pensez-vous de ces estimations ?
L’article que j’ai publié en 2024, « The simple macroeconomics of AI » (La macroéconomie élémentaire de l’IA), suggère que la productivité totale des facteurs, c’est-à-dire la composante de la croissance économique liée à l’efficacité et à la technologie, devrait augmenter d’environ 0,5 à 0,6 % sur 10 ans, soit une croissance supplémentaire de 0,05 % par an grâce à l’IA.
Ce chiffre est bien inférieur à certaines des estimations existantes.
Le risque que le secteur soit dominé par un nombre limité de grandes entreprises technologiques est bien réel.
Je pense que non seulement l’orientation actuelle de l’IA passe à côté d’importants gains de productivité, mais qu’elle renforce également la domination des grandes entreprises, multiplie les inégalités et engendre divers problèmes sociaux.
L’IA présente un fort potentiel d’amélioration de la productivité humaine, mais cela nécessiterait une nouvelle architecture de l’IA basée sur l’expertise sectorielle et la fiabilité, ce qui semble faire défaut aux agents conversationnels (chatbots) alimentés par l’IA et aux grands modèles de langage actuels.
Par conséquent, pour obtenir des résultats plus fructueux, il pourrait être nécessaire de mettre en place de nouvelles institutions, politiques et réglementations.
Comment percevez-vous le rôle du droit de la concurrence en ce qui concerne l’IA ?
Le risque que le secteur soit dominé par un nombre limité de grandes entreprises technologiques est bien réel. Les conditions actuelles du marché facilitent la domination des opérateurs historiques, car ils disposent de toutes les liquidités (et peuvent acquérir ou évincer des concurrents), de toutes les données et d’immenses réseaux de clients existants.
Je pense que la réglementation en matière de concurrence a un rôle à jouer pour permettre à d’autres entreprises d’adopter une vision de « l’IA pro-humaine », c’est-à-dire en ouvrant la voie à de nouveaux modèles économiques dont les bénéfices sur le marché du travail sera plus important.
Quel sera l’avenir de l’IA générative ?
Je pense que les données vont devenir un facteur de production encore plus important que la terre. Il est impératif que les créateurs de données soient correctement rémunérés, ce qui permettrait une répartition plus équitable des gains et améliorerait la qualité des données. Cela signifie qu’il est nécessaire de protéger à la fois la vie privée et les droits des créateurs de données.
Nous devons trouver des solutions ingénieuses pour que, une fois les paiements effectués, ces données puissent être partagées avec les petits et grands acteurs du secteur. Si des données de haute qualité ne pouvaient être produites, le secteur en ferait les frais.