Une année marquée par une activité intense
En 2024, l’Autorité de la concurrence a examiné un nombre record de 295 opérations, soit une hausse de 10 % par rapport au précédent pic de 2021. Ce dynamisme reflète l’intensité de l’activité du marché français des fusions-acquisitions, malgré un contexte économique incertain.
Si 97 % des opérations ont été autorisées sans engagements, certaines ont nécessité des remèdes ciblés pour préserver une concurrence effective. L’Autorité s’efforce de trouver le bon équilibre entre souplesse et rigueur, en adaptant ses exigences aux enjeux concurrentiels spécifiques de chaque dossier. Une vigilance particulière a été portée à la consolidation de secteurs stratégiques, notamment la grande distribution et les services numériques. Plusieurs décisions majeures ont marqué l’année, notamment dans le cadre des restructurations du secteur de la distribution alimentaire, mais aussi dans des domaines innovants tels que les solutions de paiement pour le stationnement, la publicité en ligne non liée à la recherche ou encore la mobilité domicile-travail.
Opérations examinées dont
Autorisations avec engagements
Les opérations autorisées sous conditions en 2024
- Grande distribution alimentaire : rachat de magasins Casino par ITM Entreprises (Décisions 24-DCC-02 du 11 janvier 2024 et 24-DCC-255 du 28 novembre 2024) et par Carrefour (Décision 24-DCC-288 du 13 décembre 2024).
- Médias : rachat d’OCS et Orange Studio par Canal+. (Décision 24-DCC-04 du 12 janvier 2024) et acquisition de la branche média du groupe Altice par CMA CGM (Décision 24-DCC-141 du 28 juin 2024).
- Jouets : reprise d’actifs de Ludendo (La Grande Récré) par JouéClub (Décision 24-DCC-129 du 19 juin 2024).
- Jeux : rachat de Kindred par la Française des Jeux (Décision 24-DCC-197 du 13 décembre 2024).
- Chaussures : rachat de Chauss’expo par Chaussea (Décision 24-DCC-267 du 6 décembre 2024).
LE PROCESSUS D'EXAMEN D'UNE OPÉRATION DE CONCENTRATION
Phase 1 - EXAMEN SIMPLE
(25 jours ouvrés)
Si l’Autorité ne relève pas de difficultés particulières, l’opération est autorisée, avec ou sans conditions. En revanche, si l’Autorité a des préoccupations de concurrence, le dossier passe en …
Phase 2 - EXAMEN APPROFONDI
(65 jours supplémentaires)
Au terme de cette seconde phase, l’Autorité rend sa décision définitive. La plupart du temps, l’autorisation est alors assortie de remèdes.
Renforcer le contrôle des opérations sous les seuils
Depuis 2017, l’Autorité observe l’émergence d’un enjeu nouveau : certaines opérations de concentration, bien que potentiellement préjudiciables à la concurrence, échappent à son contrôle en raison du faible chiffre d’affaires de la cible.
Ces acquisitions « sous les seuils » peuvent renforcer indûment le pouvoir de marché d’un acteur ou freiner l’innovation, notamment dans des secteurs stratégiques comme le numérique, la santé ou les biotechnologies. Consciente de ces risques, l’Autorité fait évoluer ses outils d’analyse et réfléchit à une adaptation de son cadre d’intervention.
L’arrêt Illumina/Grail (Cour de justice de l’Union européenne, affaires jointes C-611/22 P et C-625/22 P) a limité la portée de l’article 22 du règlement européen sur les concentrations, incitant à envisager l’évolution du cadre légal actuel. Dans une phase de réflexion, l’Autorité a lancé une consultation publique en janvier 2025. Deux options étaient soumises à débat :
- Option 1 : un pouvoir d’évocation ciblé encadré par des critères objectifs ;
- Option 2 : un nouveau critère de notification obligatoire pour certaines entreprises à pouvoir de marché reconnu.
Les nombreuses contributions reçues ont mis en avant la nécessité d’un équilibre entre efficacité du contrôle et sécurité juridique pour les entreprises.
Les retours ont été largement critiques vis-à-vis de l’Option 2, jugée juridiquement complexe, peu ciblée, et risquant d’alourdir inutilement le système. À l’inverse, l’Option 1 a reçu un accueil plus favorable, à condition de préciser les critères retenus, tout en veillant aux risques d’insécurité juridique, notamment pour les PME et start-up.
Concernant l’usage du droit des pratiques anticoncurrentielles pour contrôler a posteriori certaines opérations, la majorité des répondants estiment que cette solution doit rester exceptionnelle pour des raisons à la fois juridiques et opérationnelles. L’Autorité poursuit donc ses travaux en faveur de la définition d’un pouvoir d’évocation équilibré, qui pourrait notamment reposer sur :
- Un seuil en chiffre d’affaires qui puisse être aisément apprécié par les entreprises concernées ;
- Un critère de rattachement au territoire français qui permette d’éviter que des opérations de concentration qui n’auraient pas de conséquences sur le territoire national tombent dans le champ du dispositif ;
- Un critère permettant de qualifier un risque pour la concurrence sur le territoirefrançais ;
- Des délais de mise en oeuvre du pouvoir d’évocation qui soient clairement définis et suffisamment courts pour assurer la prévisibilité nécessaire aux entreprises.
L’objectif de l’Autorité est de soumettre une proposition de réforme aux pouvoirs publics d’ici la fin de l’année 2025 et de publier dans un second temps des lignes directrices si un mécanisme d’évocation devait être effectivement adopté.
Première application du droit des ententes aux concentrations sous les seuils
En 2024, l’Autorité a, pour la première fois, appliqué le droit des ententes à une opération de concentration non notifiable, en application de la récente jurisprudence issue de l’arrêt Towercast (Cour de justice de l’Union européenne du 16 mars 2023, affaire C-449/21, Towercast). Elle a en l’espèce prononcé un non-lieu dans l’affaire Akiolis/Saria/Verdannet, estimant que les cessions de fonds de commerce en cause ne constituaient ni une entente anticoncurrentielle ni un plan de répartition du marché.