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DOSSIER SPÉCIAL
Concurrence & IA
À l'aube d'un nouvel équilibre

L’essor rapide de l’intelligence artificielle générative bouleverse l’économie numérique et soulève des défis inédits pour la concurrence. Si l’innovation favorise souvent l’émulation, le risque d’un verrouillage par des géants déjà dominants est bien réel. L’accès aux infrastructures, aux données et aux talents devient un enjeu stratégique. Face à cette mutation, l’Autorité de la concurrence agit de manière proactive pour préserver des marchés ouverts, en identifiant les risques et en proposant des réponses adaptées.

Avis IA : l’autorité de la concurrence en première ligne

Depuis le lancement de ChatGPT en 2022, l’IA générative s’est imposée comme une technologie clé, soulevant de fortes préoccupations concurrentielles. Elle pourrait reproduire certaines pratiques anticoncurrentielles déjà observées dans le numérique, comme la vente liée, l’auto-préférence ou les restrictions d’accès aux données.

En février 2024, l’Autorité de la concurrence s’est autosaisie pour avis et a lancé une consultation publique afin d’analyser les dynamiques de marché et les pratiques des grandes plateformes. Trois préoccupations majeures émergent : la concentration des ressources (cloud, données, talents), les barrières à l’entrée pour les nouveaux acteurs, et les partenariats stratégiques risquant de verrouiller le secteur.

L’Autorité recommande davantage de transparence, un meilleur accès aux infrastructures essentielles, une gestion équilibrée des données, et l’usage ciblé des outils du droit de la concurrence pour préserver un écosystème innovant et ouvert (Avis 24-A-05 du 28 juin 2024).

L’émergence de nouveaux acteurs comme Deepseek est une bonne nouvelle, car elle montre que différentes voies technologiques restent possibles et qu’une course sans fin à la taille, créant des barrières infranchissables à l’entrée, n’est pas inéluctable. Toutefois, cela ne doit pas être un prétexte pour ne pas agir. Lorsque le marché bascule irréversiblement en faveur de quelques acteurs, il est trop tard pour intervenir. L’Autorité met donc en avant l’importance de garantir une diversité de modèles adaptés aux différents cas d’usage afin de maximiser l’impact social et économique de l’IA (Intervention de Benoît Coeuré, AI Action summit business day at Station F in Paris on «Enabling competition, supporting innovation : the optimal ecosystem for AI Companies», 11 février 2025).

Les droits voisins et l’IA : une question cruciale

L’impact de l’IA sur la concurrence se manifeste également dans le cadre des droits voisins. L’Autorité a infligé une sanction de 250 millions d’euros à Google pour non-respect de ses engagements en la matière. L’enquête a révélé que son agent conversationnel Bard (rebaptisé Gemini) avait utilisé des contenus de presse pour entraîner son modèle d’IA, sans information préalable des éditeurs et agences de presse. De plus, Google n’a pas permis aux éditeurs de s’opposer à cette utilisation sans affecter leur visibilité sur d’autres services du géant numérique.

Cette affaire met en lumière la nécessité d’une régulation adaptée aux nouvelles pratiques numériques. L’Autorité a souligné l’importance de garantir aux éditeurs et créateurs de contenu une juste rémunération et un contrôle sur l’utilisation de leurs oeuvres par les systèmes d’IA (Décision 24-D-03 du 15 mars 2024).

Une approche coordonnée au niveau international

Les enjeux concurrentiels liés à l’IA dépassent les frontières nationales. En octobre 2024, lors du sommet du G7 sur la concurrence numérique à Rome, les autorités antitrust et responsables politiques ont adopté un « Communiqué sur la concurrence numérique » établissant une approche commune pour garantir une concurrence équitable face aux risques de domination dans le secteur de l’IA (Digital Competition communiqué, Rome, 4 octobre 2024).

L’Autorité de la concurrence s’implique activement dans ces discussions internationales afin d’assurer une régulation cohérente et efficace face aux géants du numérique. En mars 2024, elle a également participé au premier forum technologique du Réseau international de concurrence (ICN), aux côtés de plus de 20 agences, pour réfléchir sur la façon de renforcer les compétences technologiques au sein des enquêtes, d’améliorer la détection des pratiques illicites et de favoriser une coopération internationale entre experts (Voir la déclaration de l’ICN sur le renforcement des capacités numériques des agences).

IA, concurrence et protection des données

La régulation de l’IA soulève également des enjeux en matière de protection des données. Le 5 mars 2025, l’Autorité de la concurrence et la CNIL ont tenu un séminaire commun pour explorer l’articulation entre concurrence et données personnelles. Ces discussions ont permis d’examiner les questions nouvelles posées par la transformation numérique de l’économie et l’importance des données dans les nouveaux modèles d’affaires, notamment des grandes plateformes.

Ces échanges s’inscrivent dans la continuité de leur déclaration conjointe du 12 décembre 2023, réaffirmant leur volonté de coopérer étroitement pour favoriser une IA de confiance, au service des citoyens et de l’économie française, en lien avec l’entrée en vigueur du règlement européen sur l’IA (Communiqué de presse conjoint du 20 mars 2025).

L’industrie de l’intelligence artificielle générative a le potentiel de devenir le musée des horreurs de l’antitrust si on ne fait rien.

Benoît Cœuré, Président de l’Autorité de la concurrence Le Figaro, 28 juin 2024

IA ET ÉNERGIE

En 2025, dans la continuité de l’avis rendu sur l’IA générative, l’Autorité de la concurrence portera une attention particulière aux questions émergentes relatives à l’IA et à l’énergie. L’Autorité se penchera notamment sur les problématiques concurrentielles liées aux besoins spécifiques de l’IA en termes énergétiques ainsi qu’à l’impact des modèles utilisant moins de ressources (puissance de calcul réduite, nombre de paramètres, etc.), permettant potentiellement de réduire certaines barrières à l’entrée, de favoriser l’émergence de nouveaux acteurs et de permettre le développement d’une concurrence entre acteurs sur cet aspect.

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