Action contentieuse

Lutter contre le dopage de l’économie

Au-delà de la répression des pratiques anticoncurrentielles, l’Autorité exerce plus généralement un rôle d’arbitre et s’assure à ce titre de faire respecter scrupuleusement l’ordre et les règles du jeu. Elle veille, pour cela, au bon déroulement de la partie en empêchant que les joueurs ne soient abusivement entravés dans leurs mouvements, en évitant toute manoeuvre de tricherie ou encore en préservant le fair-play sur le terrain économique. En concurrence, comme dans le sport, le match est beau lorsque les équipes s’affrontent à la loyale !

Un dispositif performant

De nombreuses pratiques sanctionnées

L’impact négatif sur notre économie des pratiques anticoncurrentielles, spécifiquement des cartels et abus de position dominante, est considérable, notamment sur les plus faibles. Elles peuvent en effet porter une atteinte grave aux intérêts des consommateurs et des PME, en particulier quand elles conduisent à un accroissement artificiel des prix ou à une limitation de l’offre sur le marché, et ont pour conséquence de soustraire les entreprises à la pression qui les incite en principe à innover. Au final, ces comportements sont préjudiciables pour le pouvoir d’achat, la compétitivité, la croissance ou encore l’emploi.

2023 a été une année active au cours de laquelle l’Autorité a sanctionné à 11 reprises des pratiques anticoncurrentielles dans des secteurs variés (alimentaire, services, produits de luxe, déchets nucléaires, BTP…).

16

décisions contentieuses dont 11 décisions de sanction

Plusieurs opérations de visite et saisie menées

Réprimer efficacement implique de détecter efficacement et de pouvoir disposer d’éléments de preuve. L’Autorité dispose pour cela d’un service dédié avec des compétences pointues en matière d’investigation informatique et d’un équipement performant.

Au cours de 2023, les services d’instruction ont notamment procédé à des visites et saisies inopinées auprès d’entreprises suspectées de pratiques anticoncurrentielles dans les secteurs :

  • de la production et de la commercialisation de produits alimentaires et non alimentaires ;
  • des cartes graphiques ;
  • du transport ferroviaire de voyageurs, de la distribution de services et produits d’agences de voyages et des systèmes et outils numériques de mobilité.

En 2024, les services d’instruction ont également procédé à des opérations de visite et saisie à l’encontre d’entreprises du secteur de la distribution de câbles électriques dans les départements, régions et collectivités d’outre-mer ou encore dans la biologie médicale.

Affaires à suivre.

 

FOCUS SUR …
Les restrictions de vente en ligne

Le commerce en ligne poursuit son expansion et constitue aujourd’hui un canal majeur de distribution. Pour un fabricant, empêcher ses distributeurs agréés de vendre sur Internet est strictement interdit dans la mesure où ce type de pratique est de nature à restreindre le développement de l’activité des distributeurs et porte préjudice aux consommateurs, qui auraient pu bénéficier de meilleurs prix. Régulièrement amenée à sanctionner ce type de comportement, l’Autorité a condamné récemment plusieurs marques, rappelant à nouveau les règles en la matière.

L’Autorité a ainsi sanctionné Rolex à hauteur de 91 millions d’euros pour avoir, pendant plus de dix ans, interdit à ses distributeurs de vendre ses montres via Internet. Elle a considéré que l’objectif de lutte contre la contrefaçon et le commerce parallèle invoqué par Rolex pouvait être atteint par des moyens moins restrictifs de concurrence.

Décision 23-D-13 du 19 décembre 2023

De la même façon, l’Autorité a infligé au groupe Mariage Frères – l’un des principaux producteurs de thés haut de gamme en France – une sanction de quatre millions d’euros pour avoir entravé, durant près de 15 ans, la liberté commerciale de ses distributeurs en leur interdisant, d’une part, de vendre en ligne les produits de sa marque, et, d’autre part, de revendre ses produits à d’autres revendeurs. Ces pratiques ont limité la concurrence intra-marque et cloisonné les marchés.

Décision 23-D-12 du 11 décembre 2023

À la suite d’un rapport d’enquête transmis par la DGCCRF, l’Autorité a également sanctionné la société De Neuville à plus de quatre millions d’euros pour avoir notamment restreint les ventes en ligne des chocolats de la marque pour ses franchisés. De 2006 à 2019, le dispositif contractuel liant le franchiseur à ses franchisés empêchait en effet ces derniers de vendre librement leurs produits sur Internet, la société De Neuville se réservant l’exclusivité des ventes en ligne.

Décision 24-D-02 du 06 février 2024

Un cadre rénové et efficace de détection 

L’année 2023 a également été marquée par la mise à jour du communiqué clémence auquel s’est ajoutée l’instauration de la procédure de recueil et de traitement des signalements de lanceur d’alerte. Ces deux dispositifs permettent de disposer d’un cadre rénové et efficient de remontées directes d’indices.

Le programme de clémence révisée

Au travers de l’adoption de la loi relative aux Nouvelles régulations économiques du 15 mai 2011, le législateur a considéré qu’il était de l’intérêt de l’économie française, et notamment des consommateurs, de faire bénéficier d’un traitement favorable (immunité totale ou partielle de sanction pécuniaire) les entreprises qui informent l’Autorité de l’existence d’ententes illicites et qui coopèrent avec elle pour y mettre fin.

Concrètement, les pratiques concernées sont, en principe, les cartels entre entreprises consistant à fixer des prix, des quotas de production ou de vente et à répartir les marchés, y compris lors d’appels d’offres, ou tout autre comportement anticoncurrentiel similaire entre concurrents, et notamment les pratiques concertées mises en place par l’intermédiaire d’acteurs en relation verticale avec les auteurs de la pratique (hub and spoke). En 15 ans, cette procédure a permis de démanteler de grands cartels, parmi les plus importants que l’Autorité ait eu à traiter.

Dans un souci de transparence et de prévisibilité, l’Autorité a adopté, dès 2006, un communiqué de procédure, lequel a été mis à jour en 2015. En 2023, l’Autorité a publié un nouveau communiqué de procédure qui vient consolider et préciser le cadre juridique applicable.

Tout d’abord, le communiqué prend acte de la suppression, par la loi DDADUE du 3 décembre 2020, de l’avis de clémence rendu par le collège et détaille la nouvelle procédure par laquelle le rapporteur général informe l’entreprise de son éligibilité à une exonération totale ou partielle des sanctions pécuniaires encourues, qu’il appartient au collège de confirmer, lorsqu’il rend sa décision au fond.

Ensuite, le communiqué apporte une plus grande clarté sur des points majeurs : il expose les nouvelles conditions d’éligibilité aux différents types d’exonération issues du décret n° 2021-568 du 10 mai 2021, explicite la pratique du marqueur permettant au demandeur de conserver sa place dans l’ordre d’arrivée et précise les garanties conférées au bénéficiaire de la clémence au regard de sa responsabilité civile ou pénale.

Enfin, il modernise la procédure de dépôt et de recueil des demandes de clémence en permettant la dématérialisation des échanges.

Communiqué de procédure du 15 décembre 2023 relatif au programme de clémence français

Communiqué de presse du 15 décembre 2023

 

Premier cas d’application
de la nouvelle procédure de clémence

Pour la première fois, la nouvelle procédure de clémence issue de la loi DDADUE a été appliquée dans une décision rendue le 12 avril 2023, dans laquelle l’Autorité a condamné des pratiques de fixation de prix et d’attribution de clientèle dans le secteur de la vente d’abonnements à des produits d’intelligence économique et d’information d’entreprise, mises en oeuvre durant plus de 30 ans par BvD et la société Ellisphere. En l’espèce, le rapporteur général a informé l’entreprise de son éligibilité à une exonération de sanction au titre de la clémence et a fixé les conditions de coopération que l’entreprise devait remplir pour pouvoir bénéficier de cette exonération. Le collège a confirmé l’exonération totale de sanction de BvD et sa société mère, Moody’s Corporation.

Décision 23-D-04 du 12 avril 2023

La création du dispositif de lanceurs d’alerte

Conformément au décret n° 2022-1284 du 3 octobre 2022, l’Autorité a mis à disposition des lanceurs d’alerte un dispositif spécifique de recueil et de traitement des signalements, accessible depuis son site Internet. Via ce nouveau cadre juridique, les lanceurs d’alerte informent directement l’Autorité lorsqu’ils sont témoins d’une pratique anticoncurrentielle sans devoir passer par un signalement interne à leur entreprise.

Le dispositif « Lanceur d’alerte » est réservé aux personnes physiques identifiées qui signalent ou divulguent, sans contrepartie financière directe et de bonne foi, des informations concernant des pratiques relatives aux ententes, aux abus de position dominante et aux aides d’État. Ce dispositif garantit au lanceur d’alerte l’anonymat, la confidentialité de son signalement et une protection contre d’éventuelles poursuites judiciaires ou représailles professionnelles.

Les signalements doivent concerner une violation des règles relatives à l’interdiction :

  • des ententes (y compris dans le cadre de marchés publics) ;
  • des abus de position dominante ;
  • des aides d’État incompatibles avec le marché intérieur.

Le bénéfice de cette procédure, qui prévoit un régime protecteur de la personne physique, pourra s’ajouter à celui du programme de clémence, qui prévoit un régime d’immunité ou de réduction d’amende au bénéfice de l’entreprise, personne morale. Tel sera le cas, en particulier, lorsque le lanceur d’alerte choisira de procéder à un signalement en interne, au sein de son entreprise, cette dernière pouvant ainsi espérer être la première à informer l’Autorité d’une entente anticoncurrentielle et bénéficier à ce titre, d’une immunité de sanction pécuniaire.

Une opération de visite et saisie a d’ores et déjà été menée sur la base du signalement d’un lanceur d’alerte.

Plus de détails dans la rubrique « Lanceur d’alerte » sur notre site Internet.

Communiqué de presse du 19 octobre 2023

 

TEMPS MORT CONFORMITÉ

PLUSIEURS MANIÈRES POUR FAIRE ENTENDRE SA VOIX

  • Par voie électronique, directement sur le site de l’Autorité de la concurrence via un formulaire spécifique.
  • Par voie téléphonique, avec une ligne dédiée sur laquelle le lanceur d’alerte aura la possibilité d’enregistrer un message exposant les faits (n° 01 55 04 00 05).
  • Par voie postale, en utilisant un système de double enveloppe (conformément aux instructions figurant sur notre page « En savoir plus sur le dispositif de lanceur d’alerte »).
Voir la vidéo de présentation du dispositif de lanceur d'alerte par le rapporteur général de l’Autorité

POUVOIR D’ACHAT

L’AUTORITÉ NE RELÂCHE PAS SON EFFORT

Faire durablement revenir l’inflation à des niveaux acceptables nécessite une vigilance constante face à des comportements qui pourraient prolonger indûment la hausse des prix.

Alors qu’en temps normal, l’inflation vient pour un tiers du comportement des entreprises qui augmentent leurs prix au-delà de leurs coûts et pour deux tiers du comportement des salariés qui veulent des hausses de salaire, la Banque centrale européenne a récemment indiqué que le contraire s’était produit en 2022. À cet égard, et même si cet épisode est en partie derrière nous, pour éviter la persistance de l’inflation, il est important que les entreprises ne profitent pas de celle-ci pour augmenter excessivement leurs prix.

L’Autorité entend plus que jamais, dans le cadre de sa mission de lutte contre les pratiques anticoncurrentielles, jouer son rôle afin de lutter contre toutes les formes d’abus qui alimentent ce phénomène au détriment des consommateurs.

La persistance de l’inflation est en partie due aux profits excessifs des entreprises qui profitent de la situation actuelle pour maintenir des prix élevés.

BENOÎT CŒURÉ

Le Parisien, 16 juin 2023

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