Numérique

Faire face aux défis de l’économie numérique

De nouveaux services fondés sur l’utilisation massive de données émergent continûment dans tous les secteurs de l’économie. Face à cette montée en puissance de l’économie numérique, l’Autorité s’emploie à décrypter le fonctionnement de ces nouvelles activités afin d’identifier les enjeux de concurrence qu’elles soulèvent et être ainsi en mesure de les traiter utilement. Garantir à une pluralité d’acteurs de pouvoir entrer sur ces marchés et de s’y développer est une condition nécessaire pour assurer une innovation constante et faire émerger une diversité de modèles économiques. Pour répondre rapidement et concrètement à tous ces défis, l’Autorité est mobilisée sur de nombreux fronts, faisant usage des différents instruments dont elle dispose.

L’entrée en application du règlement européen sur les marchés numériques

L’année 2024 marque l’entrée en application d’un texte fondateur qui ouvre une ère nouvelle dans le marché numérique européen, à savoir le Digital Markets Act (DMA). L’objectif est de lutter contre les pratiques anticoncurrentielles des géants d’Internet et de corriger les déséquilibres engendrés par leur domination. Depuis le 6 mars 2024, les contrôleurs d’accès désignés par la Commission européenne doivent ainsi respecter une série d’obligations, sous peine de lourdes sanctions (pouvant aller jusqu’à 10 % du chiffre d’affaires mondial total et 20 % en cas de récidive). Cette régulation a priori (ex ante) complète le droit de la concurrence, qui sanctionne a posteriori (ex post) les ententes et les abus de position dominante. Le rôle de l’Autorité dans la mise en oeuvre concrète de ces dispositions, articulé avec celui de la Commission européenne, a été précisé par la loi qui habilite l’Autorité à mener des enquêtes sur le fondement du DMA, et s’affinera progressivement au fil du développement de la pratique décisionnelle.

Une mobilisation importante sur l’intelligence artificielle

L’intelligence artificielle (IA) devient un puissant outil qui intègre les usages des entreprises et des ménages. Cette innovation de rupture, qui est transformationnelle pour l’économie, va impacter un certain nombre de processus industriels, à la fois dans l’industrie manufacturière et dans les services. Ce bond technologique, qui est source d’innovation et de progrès dans de très nombreux domaines, comporte aussi son lot de préoccupations, au rang desquelles figurent les problématiques concurrentielles.

« Veillons à ne pas reconstituer des Gafam de l’intelligence artificielle. »

Stéphanie Yon-Courtin

Députée européenne

Si, traditionnellement, les autorités de concurrence considèrent l’innovation comme très positive dans la mesure où elle fait entrer de nouveaux acteurs qui vont pouvoir contester un marché, l’arrivée de l’IA entraîne un changement de paradigme, puisqu’il existe un risque important de capture de cette innovation par des acteurs puissants et déjà dominants sur des secteurs connexes.

Les acteurs qui sont en effet les mieux placés pour produire cette innovation sont aussi ceux ayant un grand pouvoir de marché. Éviter la monopolisation et le verrouillage du marché est, par conséquent, un enjeu majeur pour l’ensemble des autorités de concurrence et nécessite une vigilance particulière pour s’assurer que l’IA peut être bénéfique à la transformation et au dynamisme de l’économie.

C’est pour cette raison que l’Autorité, qui avait déjà rendu un avis sur le secteur du cloud, a souhaité investir ce sujet et étudier l’ensemble de la chaîne de valeur de l’intelligence artificielle à travers une enquête sectorielle. L’avis est centré essentiellement sur l’amont de cette chaîne, s’intéressant à la conception des modèles (notamment des grands modèles de langage), à leur mécanisme d’entraînement et leur mise en exploitation. L’Autorité a en particulier focalisé son analyse sur les risques liés au contrôle de l’accès aux ressources par les grands acteurs du numérique : données, financements, processeurs, capacités de stockage et de calcul, services d’informatique en nuage (cloud) ou encore compétences (experts, scientifiques, informaticiens).

Les résultats de son enquête fourniront une expertise d’ensemble ainsi que des recommandations concrètes, en phase avec l’évolution rapide du secteur et utiles au débat politique et réglementaire.

L’Autorité poursuit, en outre, sa réflexion sur l’utilisation de l’intelligence artificielle au soutien de ses propres procédures, en coopération avec les autorités sectorielles, administrations et juridictions intéressées.

La poursuite de la lutte contre les pratiques anticoncurrentielles

L’Autorité a poursuivi le traitement de grands dossiers numériques, avec notamment le prononcé de mesures conservatoires à l’encontre de Meta, dans le secteur de la vérification publicitaire (plainte d’Adloox). Dans l’attente de sa décision au fond, l’Autorité a enjoint à Meta de définir et rendre publics de nouveaux critères d’accès et de maintien à ses partenariats (viewability et brand safety) qui soient objectifs, transparents, non discriminatoires et proportionnés. Elle a également prononcé une injonction visant à intégrer rapidement Adloox à ces partenariats, à condition que cette société satisfasse aux nouveaux critères d’accès.

Décision 23-MC-01 du 4 mai 2023

En matière de droits voisins, l’Autorité a prononcé en mars 2024 une sanction de 250 millions d’euros à l’encontre de Google pour le non-respect de plusieurs de ses engagements pris en juin 2022. Google s’étant engagée à ne pas contester les faits, elle a pu bénéficier de la procédure de transaction et a, par ailleurs, proposé une série de mesures correctives visant à répondre aux violations identifiées dont l’Autorité prend acte. Pour mémoire, cette décision est la quatrième rendue par l’Autorité sur ce dossier en quatre ans.

Ces décisions s’inscrivent dans un contexte marqué par l’adoption de la loi du 24 juillet 2019 sur les droits voisins (transposant une directive européenne) qui vise à redéfinir, en faveur des acteurs de la presse, le partage de la valeur entre ces acteurs et à répondre aux profondes mutations que connaît le secteur de la presse depuis plusieurs années.

Parmi les manquements sanctionnés, l’un concerne le service d’intelligence artificielle Bard lancé par Google en juillet 2023 (devenu depuis Gemini). L’Autorité a constaté que celle-ci avait utilisé aux fins d’entraînement de son modèle des contenus des éditeurs et agences de presse, sans en avertir ni l’Autorité ni ces derniers. Par la suite, Google a lié l’utilisation des contenus concernés par sa solution d’intelligence artificielle à leur affichage sur des services comme Search, Discover et Actualités, sans proposer aux éditeurs et agences de presse de solution technique pour s’opposer à l’utilisation de leur contenu par Bard (opt-out).

Décision 24-D-03 du 15 mars 2024

 

Les dossiers en cours

L’Autorité intervient activement en matière de lutte contre les pratiques anticoncurrentielles des acteurs du numérique.

Les services d’instruction mènent actuellement une procédure à l’encontre d’Apple concernant la distribution d’applications sur les terminaux mobiles IOS. Dans ce dossier, le rapporteur général a notifié un grief au groupe Apple en juillet 2023 concernant des pratiques susceptibles d’avoir des effets sur plusieurs marchés connexes de services publicitaires et de services aux consommateurs.

Communiqué de presse du 25 juillet 2023

Des opérations de visite et saisie ont également été réalisées dans le dans le secteur des cartes graphiques, lesquelles constituent un intrant essentiel pour l’informatique en nuage et l’intelligence artificielle.

Communiqué de presse du 27 septembre 2023

Une coopération étroite avec les régulateurs et le Gouvernement

Pour faire face à ces défis, l’Autorité est en contact étroit avec l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (notamment dans le domaine de l’informatique en nuage), avec la Commission nationale de l’informatique et des libertés (au titre de la mise en oeuvre de la déclaration commune adoptée en décembre 2023), ainsi qu’avec l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, pour anticiper au mieux l’impact des évolutions numériques sur le paysage audiovisuel français et tirer les conclusions des États généraux de l’information. Elle poursuit, par ailleurs, son dialogue avec le Gouvernement pour assurer une complémentarité fructueuse, dans le domaine numérique, entre régulation et mise en oeuvre du droit de la concurrence.

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