Sanctionner les comportements qui nuisent aux finances publiques,
c’est veiller aux intérêts des contribuables

Certaines pratiques anticoncurrentielles portent régulièrement atteinte aux intérêts de l’État, des services publics, des collectivités publiques et, par conséquent, à ceux des citoyens et des contribuables.

Les manipulations de marchés publics ou encore les pratiques qui ont des répercussions sur les comptes de l’Assurance maladie sont considérées comme particulièrement graves car elles impactent les ressources publiques.

L’action vigoureuse de l’Autorité forme désormais, avec les actions en réparation qui se multiplient et prospèrent en aval de ses décisions, une combinaison dissuasive qui monte en puissance.

FAUSSER LES RÈGLES DE LA COMMANDE PUBLIQUE :
UN COMPORTEMENT QUI NUIT DIRECTEMENT AU CONTRIBUABLE

La mise en échec du déroulement normal des procédures d’appel d’offres, en empêchant la concurrence par les prix, perturbe fortement le secteur concerné et porte une atteinte importante à l’ordre public économique en générant des surcoûts pour les collectivités publiques.

Conformément à son rôle historique en ce domaine, l’Autorité lutte contre ces comportements partout en France et considère que le fait de tromper une collectivité publique, qui se trouve dans l’accomplissement de sa mission d’intérêt général, présente un caractère de gravité supplémentaire. En 2022, elle a été amenée à sanctionner deux ententes de ce type, l’une dans le secteur de la collecte et de la gestion de déchets en Haute-Savoie, et l’autre dans celui du transport sanitaire des centres hospitaliers du Val d’Ariège et du Pays d’Olmes.

Dans les deux cas, les pratiques sanctionnées ont contribué à faire échec à un processus de mise en concurrence effective pour la réalisation de prestations de service public, avec un impact direct sur les finances des collectivités (et, in fine, sur les contribuables).

Collecte et gestion des déchets en Haute-Savoie : 13 marchés publics faussés

À la suite d’opérations de visite et saisie et d’un rapport d’enquête transmis par la brigade interrégionale d’enquêtes de concurrence d’Auvergne-Rhône-Alpes, l’Autorité a sanctionné en 2022, à hauteur de 1,5 million d’euros, quatre entreprises pour avoir faussé durant huit ans les procédures d’appel d’offres lancées par différentes collectivités publiques de Haute-Savoie pour la collecte et la gestion de leurs déchets. Ces pratiques, qui ont concerné 13 marchés publics totalisant environ 6 millions d’euros, ont trompé le maître d’ouvrage sur la réalité du jeu concurrentiel par le dépôt d’offres fictivement concurrentes. Elles ont ainsi créé une répartition artificielle du marché entre les entreprises et neutralisé le processus de mise en concurrence demandé par les collectivités concernées, en favorisant la hausse des prix. Les coûts supplémentaires qu’elles ont engendrés ont pesé sur les budgets de ces collectivités (Décision 22-D-08 du 3 mars 2022).

1,5 M€

L’AUTORITÉ A SANCTIONNÉ QUATRE ENTREPRISES POUR AVOIR FAUSSÉ DURANT HUIT ANS LES PROCÉDURES D’APPEL D’OFFRES EN HAUTE-SAVOIE.

Transport de malades en Val d’Ariège et en Pays d’Olmes : l’assèchement de la concurrence a conduit à des surcoûts avérés pour les hôpitaux

À la suite d’une enquête réalisée par la brigade interrégionale d’enquêtes de concurrence de Nouvelle-Aquitaine dans le secteur des marchés de transport sanitaire des centres hospitaliers du Val d’Ariège et du Pays d’Olmes, plusieurs sociétés, qui avaient participé à une entente, ont accepté une transaction proposée par la DGCCRF. Une seule a refusé de transiger. La DGCCRF a alors transmis le dossier la concernant à l’Autorité, qui l’a sanctionnée. Dans ce dossier, les entreprises s’étaient réunies en groupement pour s’entendre notamment sur les prix proposés aux hôpitaux. La constitution de ce groupement a ainsi mis les hôpitaux dans l’impossibilité de solliciter des propositions alternatives et de faire jouer la concurrence, alors que c’est l’objet même de la passation de marchés publics. Cette entente a totalement verrouillé la concurrence et a, pour certains marchés, élevé les prix payés par les hôpitaux par rapport à la période antérieure (Décision 22-D-04 du 2 février 2022).

CERTAINS ABUS DE POSITION DOMINANTE PEUVENT ÉGALEMENT AFFECTER GRAVEMENT LES COMPTES PUBLICS

La lutte contre les abus de position dominante peut également conduire, dans certains cas, à mettre fin à des comportements qui ont des répercussions sur l’argent public.

À cet égard, le secteur de la santé fait l’objet d’une vigilance particulière de l’Autorité, laquelle est notamment intervenue à plusieurs reprises pour sanctionner des comportements visant à entraver le développement de médicaments génériques, dans un contexte marqué par les déficits chroniques des comptes sociaux.

L’Autorité estime que les pratiques intervenant dans le secteur de la santé, dans lequel la concurrence est déjà réduite en raison de l’existence d’une réglementation destinée à assurer le meilleur service pour la population tout en préservant les équilibres budgétaires du système d’Assurance maladie, sont, de manière générale, particulièrement graves. Une moindre pénétration des génériques réduit très fortement l’animation concurrentielle et pèse sur les comptes de l’Assurance maladie dans la mesure où elle freine mécaniquement la baisse des prix (ce n’est que lorsque les génériques arrivent sur le marché que le prix de la spécialité princeps se voit appliquer une décote par les autorités de santé).

À titre d’exemple, l’Autorité est intervenue en 2013 pour sanctionner une stratégie de blocage s’agissant du Subutex®, un médicament prescrit dans le cadre du traitement de la dépendance aux opiacés (notamment à l’héroïne) des patients toxicomanes. Le marché constituait, au moment de l’analyse, un poste significatif de dépenses pour l’Assurance maladie. La moindre pénétration du générique avait eu des effets substantiels pour les comptes publics, qui se chiffrent à plusieurs millions d’euros par an (Décision 13-D-21 du 18 décembre 2013).

La même année, l’Autorité a sanctionné Sanofi pour sa stratégie de dénigrement à l’encontre des génériques de Plavix®, qui visait à limiter leur entrée sur le marché. Ce blockbuster de l’industrie pharmaceutique, utilisé pour la prévention des récidives des maladies cardiovasculaires graves, était, à l’époque des pratiques, le premier poste de remboursement de l’Assurance maladie en France (Décision 13-D-11 du 14 mai 2013).

L’Autorité est encore intervenue pour sanctionner un effet d’éviction, considéré comme quasiment absolu, des concurrents du Durogesic®. En rendant impossible la commercialisation des spécialités concurrentes génériques, ces pratiques ont induit un manque à gagner pour les laboratoires génériques et un surprix à payer pour les patients (Décision 17-D-25 du 20 décembre 2017).

LA MULTIPLICATION DES ACTIONS EN RÉPARATION

Les amendes prononcées par l’Autorité sont de nature administrative : elles viennent sanctionner des comportements qui ont créé un trouble à l’ordre public économique et sont recouvrées par le Trésor public.
Or, ce dommage causé à l’économie ne se confond pas avec le préjudice qu’ont pu subir les victimes de ces pratiques.
En aval de la sanction prononcée par l’Autorité, celles-ci peuvent en effet désormais introduire une action en réparation afin d’obtenir des dommages et intérêts.

L’ordonnance du 9 mars 2017 relative aux actions en dommages et intérêts du fait des pratiques anticoncurrentielles et son décret d’application favorisent en effet les actions en dommages-intérêts des victimes de pratiques anticoncurrentielles, notamment en leur facilitant l’accès aux preuves puisqu’elles peuvent directement s’appuyer sur les décisions de l’Autorité (ou d’une juridiction de contrôle) pour établir l’existence de la pratique1. On constate, depuis l’entrée en vigueur de ces textes, une nette augmentation des actions en réparation devant les juridictions nationales.

L’entente des panneaux de signalisation routière : de nombreuses collectivités indemnisées

Parmi les victimes de pratiques anticoncurrentielles, de nombreuses collectivités n’hésitent désormais plus à s’engager dans cette voie et font valoir leurs droits à réparation. En aval de la décision de l’Autorité de la concurrence sanctionnant le « cartel de la signalisation routière » (Décision 10-D-39 du 22 décembre 2010), plusieurs départements (Loire-Atlantique, Eure, Orne et Manche) se sont mobilisés pour obtenir réparation du préjudice subi.

Pour mémoire, l’entente sanctionnée avait faussé pendant près de dix ans la quasi-totalité des marchés publics concernant les panneaux routiers sur l’ensemble du territoire national au détriment des collectivités en charge de la gestion des routes et des autoroutes. Ils ont obtenu réparation du préjudice subi du fait de cette entente, respectivement à hauteur de 41,1 millions d’euros, 1 million d’euros et plus de 2,2 millions d’euros pour chacun des deux derniers2. À cette occasion, le Président du conseil départemental de l’Eure, Pascal Lehongre, avait alors indiqué : « Ces accords entre entreprises de signalisation ont faussé la concurrence et ont été clairement conclus au détriment des collectivités et donc des contribuables. Il était logique de demander et d’obtenir réparation de ce préjudice3».

L’entente du transport scolaire par autocar dans le Bas-Rhin : la participation de l’Autorité à l’évaluation du préjudice

Par ailleurs, de nouveaux modes de coopération entre les juridictions et l’Autorité de la concurrence se mettent progressivement en place, notamment dans la phase d’évaluation du préjudice. Les dispositions du Code de justice administrative relatives au contentieux indemnitaire prévoient désormais que le président de la formation de jugement peut solliciter l’avis de l’Autorité de la concurrence sur l’évaluation du préjudice dont il est demandé réparation. L’Autorité dispose alors d’un délai de deux mois pour communiquer ses observations au juge. Dans les suites de l’affaire du transport scolaire par autocar dans le Bas-Rhin, l’Autorité a ainsi été saisie par le Tribunal de Strasbourg, et, sur la base de ses observations, les juges ont condamné, en 2021, plusieurs des sociétés impliquées dans l’entente à payer à la collectivité européenne d’Alsace la somme de 2 millions d’euros avec intérêts4. L’Autorité se félicite de cette coopération constructive avec les juridictions du fond, qui lui permet de contribuer au processus permettant aux victimes d’obtenir une juste réparation de leur préjudice.

L’affaire du Plavix® : la CNAM demande réparation

Dans le secteur de la santé, on constate également que la Caisse nationale d’Assurance maladie (CNAM) a engagé une action en réparation visant des pratiques qui ont généré des dépenses plus importantes pour l’Assurance maladie. À la suite de la décision de l’Autorité qui avait sanctionné Sanofi pour avoir entravé l’entrée sur le marché des génériques du Plavix®, la CNAM a ainsi engagé une action en dommages et intérêts devant le tribunal de commerce de Paris afin d’obtenir réparation du préjudice subi en raison de la moindre pénétration des génériques (estimé à 116 millions d’euros par la saisissante). Si, en première instance, le tribunal a débouté la CNAM de son action au motif que celle-ci était prescrite, la Cour d’appel de Paris a en revanche infirmé ce jugement en février 2022 et a ordonné une expertise pour l’évaluation du préjudice subi par la CNAM5.

L’entente dans le secteur du linoléum : une action de grande ampleur à venir

Une autre action en réparation d’envergure a été engagée par de nombreux acheteurs publics, dans le sillage de la décision de l’Autorité sanctionnant une entente dans les linoléums.

Pour mémoire, l’Autorité avait démantelé en 2017 le cartel des trois principaux fabricants de sols souples en France, Gerflor, Forbo et Tarkett. En 2022, plus de 300 établissements sanitaires et médico-sociaux (hôpitaux, CHU, Ehpad) ont déposé une action indemnitaire, réclamant près de 500 millions d’euros en réparation. L’hôpital de Crépy-en-Valois (Oise), par exemple, estime le montant total de son préjudice à 1,17 million d’euros. Selon Dominique Browne, son responsable des services techniques, « cela représente près de six ans d’investissement chez nous. Six ans d’investissement courant pour des réparations, des véhicules, du matériel hospitalier, des lits… C’est extrêmement important.6»

1 / Constituent des présomptions irréfragables les décisions de l’Autorité de la concurrence qui sanctionnent des pratiques anticoncurrentielles n’ayant pas fait l’objet d’un recours ou d’une décision de la juridiction de recours.

2 / TA Caen, 6 avril 2017 ; CAA Nantes, 16 mars 2018 ; CAA Nantes, 27 avril 2018 ; CAA Nantes, 5 mars 2020 : TA Rouen, février 2017.

3 / Normandinamik, réseau économique des CCI, 18 juillet 2018.

4 / TA Strasbourg, 7 avril 2021.

5 / CA Paris, 9 février 2022.

6 / L’oeil du 20h, JT France 2 du 24 novembre 2022.

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