Réactivité et vigilance : de nombreux outils à la disposition de l’Autorité

Si les décisions de sanction de l’Autorité sont les plus connues du grand public, cette dernière dispose en réalité d’une palette très diversifiée de modes d’intervention afin de faire face à toutes les situations. Il s’agit parfois d’intervenir en amont sur des marchés et positions qui évoluent très vite en utilisant pleinement l’outil des mesures conservatoires. Il peut s’agir aussi de garantir le bon déroulement de l’instruction ou de la bonne exécution des décisions prononcées. Retour sur une année riche en actualités, qui illustre l’efficacité de ces outils.

Les mesures conservatoires, un outil précieux

Face à une situation nécessitant une intervention rapide et en cas d’atteinte grave et immédiate à la concurrence, l’Autorité peut être amenée à prononcer des mesures provisoires, appelées « mesures conservatoires », en attendant de se prononcer sur le fond du dossier. Si jusqu’ici, l’Autorité devait nécessairement être saisie par un plaignant, l’Autorité peut désormais imposer des mesures provisoires d’urgence de sa propre initiative, depuis la transposition de la directive européenne dite ECN+ (Ordonnance n° 2021-649 du 26 mai 2021 prise sur le fondement de la loi DDADUE).

En ordonnant une mesure conservatoire, l’Autorité peut ainsi éviter, pendant le temps que dure l’instruction au fond, qu’une pratique susceptible d’être anticoncurrentielle nuise gravement et de façon irrémédiable aux intérêts d’un secteur économique ou à l’entreprise qui en est victime. Cette décision intervient, le cas échéant, dans des délais extrêmement brefs, en quelques mois. Dans l’affaire du rejet de la demande de mesures conservatoires concernant la mise en place par Apple de la sollicitation ATT (Décision 21-D-07 du 17 mars 2021, pour plus de détails sur cette décision, voir p. 54 du rapport annuel), l’Autorité est intervenue très rapidement, avant même l’entrée en vigueur du nouvel ios d’Apple. Il en avait été de même pour les mesures conservatoires prononcées dans le cadre des droits voisins, puisque la décision était intervenue en avril 2020 (Décision 20-MC-01 du 9 avril 2020), soit neuf mois à peine après l’entrée en vigueur de la loi sur les droits voisins et la mise en œuvre des pratiques de Google contestées par les éditeurs et agences de presse. Pionnière en la matière, l’Autorité mobilise régulièrement cet outil puissant au service d’une grande réactivité et comptabilise 114 décisions en 12 ans.

Garantir le bon déroulement de l’instruction : trois affaires d’obstruction en 2021 …

Les dispositions relatives à l’obstruction revêtent une importance cruciale pour garantir l’effectivité des pouvoirs d’enquête et d’instruction de l’Autorité. L’entreprise faisant l’objet d’une mesure d’investigation est ainsi soumise à une obligation de collaboration active et loyale, qui implique notamment de sa part qu’elle réponde aux demandes d’informations communiquées par l’Autorité et qu’elle ne fasse pas obstacle au bon déroulement de l’enquête, par exemple en se rendant coupable de bris de scellés, en omettant de répondre ou en donnant des informations incorrectes ou incomplètes ou encore en intervenant sur les messageries électroniques durant des opérations de visites et de saisie. Dans le cas contraire, elle s’expose à des sanctions qui peuvent atteindre des montants significatifs.

En juillet 2021, l’Autorité a ainsi sanctionné à hauteur de 5 000 euros l’entreprise Nixon, active dans le secteur de l’horlogerie, pour s’être abstenue, sur une période de cinq mois, de répondre à la demande d’informations envoyée dans le cadre d’une assistance apportée à l’autorité grecque de la concurrence. Si la société, comme elle l’avait avancé, a connu des mesures de restructuration, cette situation ne saurait en aucun cas justifier, à elle seule, l’absence totale de réponse (Décision 21-D-16 du 9 juillet 2021).

Par ailleurs, en décembre 2021, l’Autorité a également sanctionné, à hauteur de 100 000 euros, Mayotte Channel Gateway (MCG), qui gère et exploite le port de Longoni à Mayotte –, et sa société mère (Société Nel Import Export) – pour un comportement similaire consistant à s’abstenir de répondre à des demandes d’informations émanant des services d’instruction. Ces derniers avaient adressé un questionnaire à MCG et malgré plusieurs relances, deux prorogations des délais de réponse et un double rappel des sanctions encourues en cas de non réponse, les entreprises n’avaient pas apporté la moindre réponse à l’Autorité, dix mois après l’envoi du questionnaire (Décision 21-D-28 du 9 décembre 2021).

Enfin, en mai 2021, l’Autorité a sanctionné le groupe Fleury Michon à hauteur de 100 000 euros pour avoir fait obstacle au déroulement de l’instruction dans l’affaire du cartel du secteur du jambon et de la charcuterie, laquelle l’avait conduite à infliger 93 millions d’euros d’amende en juillet 2020. Lors de l’instruction, il était apparu que le groupe n’avait pas informé les services d’instruction de la modification de sa structure sociale, alors même qu’une opération de restructuration interne avait entraîné la radiation de la société Fleury Michon Charcuterie. Le groupe Fleury Michon non seulement n’avait pas signalé cette opération aux services d’instruction, mais avait contribué activement à les induire en erreur après l’envoi de la notification de griefs, en déposant, par l’intermédiaire de ses avocats, des écritures au nom et pour le compte de la société Fleury Michon Charcuterie, alors que cette société n’existait plus. Pour finir, le groupe Fleury Michon avait par la suite tenté de tirer profit de ses propres manquements, en soutenant, dans le cadre de la procédure ayant donné lieu à l’adoption de la décision de sanction du cartel, que la société Fleury Michon LS devait être mise hors de cause, faute d’avoir été personnellement destinataire de la notification de griefs (Décision 21-D-10 du 3 mai 2021).

Des astreintes en cas de non-respect d’injonctions

L’Autorité peut enjoindre à un auteur de pratiques anticoncurrentielles des obligations de faire ou de ne pas faire. Il s’agit précisément d’obtenir le rétablissement du fonctionnement concurrentiel, soit avec des injonctions de cessation, soit avec des injonctions de modification du comportement pour l’avenir. En cas de non-respect d’une injonction prononcée, l’Autorité dispose de la possibilité d’infliger une sanction. C’est ce qu’elle a été amenée à faire en juillet 2021 en sanctionnant Google à hauteur de 500 millions d’euros pour avoir méconnu plusieurs injonctions prononcées dans le cadre de sa décision de mesures conservatoires en matière de rémunération des droits voisins. Si l’Autorité peut prononcer une sanction pouvant atteindre 10 % du montant du chiffre d’affaires mondial hors taxes lorsqu’elle sanctionne les pratiques anticoncurrentielles, elle possède également la possibilité d’infliger aux intéressés des astreintes dans la limite de 5 % du chiffre d’affaires mondial total journalier moyen, par jour de retard à compter de la date qu’elle fixe, pour les contraindre à exécuter des injonctions. Pour assurer l’exécution efficace de ses injonctions dans l’affaire des droits voisins, l’Autorité a fait usage de cet outil en prononçant une astreinte de 300 000 euros par jour de retard à l’expiration d’un délai de deux mois courant à compter de la demande formelle de réouverture des négociations formulée par chacune des saisissantes (Décision 21-D-17 du 12 juillet 2021 relative au respect des injonctions prononcées à l’encontre de Google dans la décision 20-MC-01 du 9 avril 2020, pour plus de détails sur cette décision voir p. 49 du rapport annuel).

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