La concurrence est souvent perçue par l’opinion publique de manière ambivalente : comme consommateurs nous la plébiscitons, comme salariés nous la redoutons, comme citoyens nous la discutons. Pour les uns, elle est une forme saine d’émulation, qui permet aux plus méritants de faire valoir leurs talents. L’économiste Frédéric Bastiat n’hésitait d’ailleurs pas à affirmer en son temps que détruire la concurrence « c’est tuer l’intelligence ». La concurrence s’oppose alors à l’arbitraire, au privilège et aux rentes injustifiées : elle incarne « la loi démocratique par essence ». Pour les autres, la concurrence s’apparente à un processus de sélection au terme duquel une entreprise se retrouve seule sur le marché et va pérenniser sa position en usant de moyens déloyaux, au détriment des plus fragiles. Pour reprendre les termes même de J.F. Proudhon, « la concurrence tue la concurrence ».
À vrai dire, ces deux visions opposées contiennent chacune une part de vérité. D’un côté, on peut constater tous les jours les effets bénéfiques de l’entrée de nouveaux acteurs sur les prix, la qualité et la diversité des produits et l’incitation à innover. Ainsi, dans le cas de la France, le renforcement de la concurrence dans le transport aérien, les VTC, la téléphonie mobile, le notariat constituent autant d’exemples concrets et récents des bienfaits de cette force invisible mais puissante.
A contrario, on peut constater également que des entreprises dominantes abusent de leur position pour bloquer l’entrée de nouveaux concurrents aussi efficaces ou pour discriminer leurs clients. Sur les marchés d’oligopole, des entreprises s’engagent parfois dans des pratiques collectives de cartel, qui font monter artificiellement les prix, sans aucune contrepartie pour les clients. Les premières victimes de ces pratiques sont d’ailleurs souvent d’autres entreprises, dont la compétitivité est négativement affectée.
Ces deux visions, pour opposées qu’elles soient, ne sont pas irréconciliables, pour peu que l’on adopte une vision dynamique. L’expérience nous montre en effet qu’une entreprise qui a gagné au départ la compétition par ses mérites peut être tentée, dans un second temps, de maintenir son pouvoir de marché, en usant de pratiques artificielles. Le processus de concurrence va alors se gripper durablement : la concurrence aura « tué la concurrence ».